Filosofix, de la philosophie en concentré et en dessin animé

La RTS et la SRF ont tous les deux une page dédiée à des expériences de pensées sous le format de vidéos de quelques minutes chacune. Une ressources intéressante pour (re)découvrir et faire découvrir quelques grandes questions.

Cette approche permet d’intéresser les auditeurs en les confrontant eux, directement, à leurs propres réactions dans les situations illustrées, sans introduire longuement l’auteur ou encore le contexte. Les vidéos, en noir et blanc façon bande dessinée, sont basées sur des expériences de pensées proposées par différent.e.s philosophes cité.e.s en fin de vidéo. On ne fait donc pas l’impasse sur l’attribution d’idées, ce qui est non seulement important mais également bénéfique pour faire passer un message sur les citations et le travail du philosophe à savoir l’échange d’idées mais celui-ci se faisant en reconnaissant le travail d’autrui. Chaque vidéo propose en plus une fiche de travail qu’un enseignant pourrait utiliser dans la salle de classe.

 

Ces vidéos permettent de faire le tour de différents domaines de la philosophie : nous avons par exemple des questions d’éthique comme à travers l’expérience de pensée du violoniste (proposé initialement par Judith Jarvis Thomson) ou encore de celle de l’enfant dans la mare (développé par Peter Singer), mais il y a également des expériences de pensées plus anciennes, et touchant à d’autres domaines comme la métaphysique, au travers du bateau de Thésée ou encore à travers le paradoxe du grand-père. Ce qui pourrait s’avérer intéressant, ce serait de mettre en lien ces animations avec des questions qui sont débattues en philosophie à l’heure actuelle, car en effet, la philosophie souffre parfois du préjugé que « rien n'est nouveau sous le soleil », qu’il n’y a « pas vraiment de découvertes » ou de «  nouveau », bref, que c’est « fini », que tout a déjà été écrit. C’est dommage, et vous, cher lecteur si vous vous trouvez sur ce site, vous serez assez certainement d’accord avec le constat que ce n’est pas le cas. Il y a toujours matière à discuter, discuter plus, questionner davantage, de faire des liens qui n’ont pas encore été explorés, ou même de redécouvrir des idées oubliées pendant quelques (dizaines, centaines, voire milliers) d’années pour ensuite les discuter à nouveau, dans le contexte actuel.

 

En effet, pourquoi pas mettre en lien le paradoxe du grand-père avec l’état actuel de la philosophie de la physique et de la métaphysique du temps pour discuter du problème avec le soutien de ce qui se fait actuellement en philosophie ?

 

L’expérience de pensée du violoniste serait très intéressante à mettre en lien avec le droit à l’avortement et ce qu’il se passe actuellement aux États-Unis. C’est un sujet qui permet d’approcher non seulement une question éthique, mais également de se plonger dans la philosophie politique et la philosophie féministe. On pourrait aussi s’imaginer combiner différentes expériences de pensées, par exemple discuter d’abord du violoniste, puis après discuter de l’expérience du voile d’ignorance, comme suggéré par John Rawls, théoricien de la justice. Selon cette expérience, pour créer une société la plus juste possible, nous devrions décider des lois en ignorant notre condition. De cette façon (et de manière très grossière et résumée), en ignorant notre sort étant caché « derrière le voile d’ignorance », les lois seraient décidées de sorte à ce que chacun puisse avoir une égale chance de s’en sortir. En combinant l’expérience de pensée du violoniste et celle du voile d’ignorance, on pourrait par exemple discuter des grossesses non-désirées ou non-planifiées, de l’intérêt ou désavantages de l’accès aux interruptions volontaires de grossesse. Certains pourraient soutenir que comme les personnes ne savent pas quel serait leur sort, derrière le voile d’ignorance, ils reconnaîtraient que se retrouver dans la situation du violoniste est, pour le moins qu’on puisse dire, inconfortable. D’autres pourraient penser que malgré l’inconfort occasionné, on pourrait tout faire pour rendre la vie de la personne raccordée au violoniste la plus simple et la moins compliquée possible… Après tout, le but d’une expérience de pensée est de discuter de nos idées, d’enquêter davantage sur les questions qui bousculent, de découvrir de nouvelles choses, voire même d’avoir l’audace de changer d’avis !

 

Le cerveau dans la cuve, autre expérience présentée par filosofix et pensée à l’origine par Hilary Putnam, est mise en lien par la RTS et SRF avec Descartes et pourrait être également étendu de dans l’autre direction du temps, c’est-à-dire le présent et l’avenir plutôt que le 17e siècle. On pourrait mettre en lien cette expérience de pensée avec l’argument de la simulation comme présenté par Nick Bostrom, la question de l’intelligence artificielle, ou encore l’expérience de pensée de Mary par Frank Jackson.

 

Il y a de quoi donner lieu à des discussions intéressantes dans la salle de classe, et c’est peut-être comme ça que même les élèves les plus indifférents pourraient sortir de leur caverne et prendre goût à la philosophie. Nous devons juste les accompagner.